Arnaqué par un installateur de panneaux solaires, Anthony ne lâche pas l'affaire: "J'en suis à 5.000 euros de frais de justice en deux ans"

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Ce qu'on appelle communément "le monde du bâtiment" fait de plus en plus peur aux citoyens. Il y a une dizaine d'années, c'est la réputation et le bouche-à-oreille qui orientaient les clients à la recherche d'un entrepreneur sérieux. Mais de plus en plus, le référencement sur Google joue un rôle prépondérant, car c'est devenu un réflexe d'y faire toutes ses recherches.

Hélas, on y trouve aussi des 'entreprises' peu scrupuleuses. Anthony, de Roux (Charleroi), en a fait les frais récemment. "J'ai versé deux acomptes de 2.000 euros, mais je n'aurai jamais de panneaux solaires", nous a-t-il expliqué après avoir contacté la rédaction via notre bouton orange Alertez-nous.

Installer ses panneaux "au bon moment"

Tout a commencé en mars… 2019. Oui, c'est une longue histoire, que notre témoin de 38 ans résume. "J'avais entendu dire à l'époque – mais finalement ça n'a pas eu lieu – que le tarif prosumer allait entrer en vigueur en Wallonie pour les panneaux photovoltaïques installés après le 1er juillet".

Anthony décide donc de "rencontrer plusieurs installateurs", trouvés "via internet". Il choisit finalement Pro Energy (le site et la page Facebook ont aujourd'hui disparu), "une entreprise à l'époque basée à Nivelles" qui n'était "ni la moins chère, ni la plus chère". Son patron se rend chez lui pour un devis, "et le contact passe bien, il me dit qu'il a une équipe, 'ses hommes', qui travaillent pour lui".

Il reporte 1 fois, 2 fois, 3 fois… et puis je commence à tiquer

4.000€ d'acompte, puis des reports incessants

Comme c'est très souvent le cas, afin de protéger l'entrepreneur, le client doit verser un acompte. "J'ai alors versé un acompte de 2000€ pour valider le contrat, puis un autre acompte de 2000€ lors de la visite technique".

Jusque-là, rien d'anormal, donc. "Il était prévu que l'installation ait lieu la dernière semaine du mois d'avril" mais à cette échéance, Anthony n'a "aucune nouvelle". Il appelle l'entrepreneur qui évoque la météo: "Il me dit qu'il ne peut pas faire monter ses hommes avec un temps pareil. Je dis que je comprends, c'est vrai qu'il ne faisait pas très beau".

Les deux hommes conviennent ensuite de nouvelles dates, mais à chaque fois, l'entrepreneur reporte. "Il me dit qu'il va venir, qu'il est désolé, qu'il y a eu un contretemps. Mais après, personne ne vient, et surtout personne ne prévient".

Anthony perd patience. "1 fois, 2 fois, 3 fois… et puis je commence à tiquer. J'ai senti l'oignon. Je lui dis alors que le 31 mai, les panneaux devaient être installés, sinon il devait me rembourser l'acompte. Il n'a pas cherché à négocier, et il m'a dit d'envoyer un recommandé".

Le début d'une longue (et chère) procédure

Sans s'en rendre compte, ce recommandé fut la première dépense d'une longue série. "Et il n'a servi à rien, car ça n'était même pas la bonne adresse, il avait changé entretemps, le siège de son entreprise n'était plus à Nivelles mais à Marchiennes".

L'entrepreneur fait de nouvelles promesses. "Il me dit que l'acompte va être remboursé le mercredi qui suit", mais rien ne vient. "Après des vacances, je reçois un courrier qui dit que j'ai rompu le contrat, et que c'est de ma faute si les panneaux n'ont pas été installés. Je décide alors de faire intervenir mon avocat".

La liste des procédures entamées est longue. "Il y a eu un procès devant le tribunal de commerce, que j'ai gagné, l'entrepreneur ne s'est même pas présenté. Il a été condamné à me rembourser et à payer les factures d'électricité depuis 2019":

Sans paiement ni réaction de sa part, "l'huissier s'est présenté, mais visiblement la nouvelle adresse n'était pas son domicile. Après le troisième passage, il a voulu effectuer une saisie des biens, mais ça ne représentait pas 4.000 euros, du coup il a abandonné. Entretemps, l'entrepreneur a fait appel – c'est juste pour gagner du temps - il y aura un nouveau procès en février 2021. Mais avec mon avocat, on ne lâche pas l'affaire: nous allons introduire une citation en faillite".

Une procédure qui n'en finit pas, mais qui coûte très cher. "Pour les frais d'avocats, j'en suis à 2.700€ HTVA, et la suite devrait ajouter 400€. Pour les huissiers, j'en suis à 800€ et bientôt 350€, toujours HTVA". Total approximatif: 5.150 € TVA comprise de frais de justice et d'huissier.

Il va aller jusqu'au bout, mais il regrette que la justice "soit très mal faite"

La situation financière d'Anthony n'est pas catastrophique. "C'est sûr qu'avec ces 4.000 euros, et les 4.000 euros de l'acompte, j'aurais pu avancer plus vite dans les travaux. Mais heureusement, ma femme et moi, on travaille, on s'en sort".

Donc il va continuer les procédures jusqu'au bout. "C'est plus pour le principe, car je ne pense pas que je vais un jour récupérer l'argent. Je n'y crois plus, honnêtement. Mais cette société est toujours active, donc je veux qu'il soit mis devant le fait accompli: ou bien il paie, ou bien il arrête ses activités et perd sa société… J'ai regardé sur Google, il y a d'autres personnes dans le même cas que moi, j'ai vu 5 ou 6 plaintes identiques. Si je renonce maintenant, c'est trop facile pour lui, j'ai tout perdu. Ma compagne et moi, on est allé trop loin que pour ne pas aller au bout".

Anthony pointe du doigt la complexité de notre système judiciaire, "beaucoup trop lent", et qui devrait traiter des cas comme le sien différemment, plus efficacement, pour éviter 5.000€ de frais de justice. Surtout quand l'affaire est aussi facile et limpide que "4.000€ d'acompte, puis aucun travail effectué".

Il estime également que le système est mal fait. "C'est une société, donc s'il tombe en faillite, il peut en lancer une autre. A lui, on ne sait rien lui prendre. Franchement, ça parait trop facile: on crée une société, on prend des acomptes et on se met en faillite. Et puis on recommence. C'est comme ça que ça fonctionne, et c'est très mal fait".

Peut-on vraiment tomber en faillite puis tout recommencer ?

Est-il vrai qu'un entrepreneur peut être déclaré en faillite, puis relancer une activité similaire dans la foulée ? "En principe, l’entrepreneur failli peut, après le prononcé de sa faillite, relancer une activité, que ce soit personnellement ou au travers d’une nouvelle société à constituer", nous explique Olivier Janssens, avocat à Nivelles.

Et c'est finalement assez logique: "L'idée sous-jacente est que si vous êtes plombier, vous n’allez pas suite à votre faillite subitement changer de métier et devenir coiffeur. Par ailleurs, il faut permettre à quelqu’un qui a pris des risques et qui a échoué de relancer son activité".

Il y a cependant "quelques garde-fous qui ont été instaurés dont les interdictions professionnelles". Ces interdictions professionnelles "sanctionnent le failli qui a commis une faute grave caractérisée ayant contribué à la faillite de son entreprise. Lorsque que de telles fautes sont établies dans le chef du failli, il peut être condamné à une interdiction d’exercer toute activité commerciale pendant une période fixée par le tribunal de l’entreprise. Dans cette hypothèse, le failli ne peut donc pas recommencer son activité directement après sa faillite".

Dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, à savoir la possible citation en faillite de l'entrepreneur par Anthony et son avocat, rien n'indique qu'une 'faute grave' sera retenue par le juge… "Le seul fait de faire faillite et de ne pas pouvoir honorer ses dettes ou de ne pas pouvoir rembourser des acomptes perçus ne constituent en soit pas à eux seuls des motifs d’interdiction professionnelle".

L'entrepreneur pourrait donc être mis en faillite et dans la foulée, relancer son activité d'installation de panneaux solaires. La conclusion est donc claire, et Anthony l'a répété plusieurs fois: "Il faut toujours vérifier à qui on a à faire, prendre des renseignements. Et essayer de payer en plusieurs fois, après chaque réalisation d'une partie des travaux, c'est désormais ce que je fais".

La source:https://www.rtl.be/info/vous/temoignages/arnaque-par-un-installateur-de-panneaux-solaires-anthony-ne-lache-pas-l-affaire-j-en-suis-a-5-000-euros-de-frais-de-justice-en-deux-ans--1258504.aspx