GRAND BOIS: la somme est partie dans les poches du promoteur.

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Les nombreux créanciers du Grand Bois version Franck Ladrière aimeraient savoir où est passé leur argent. Des millions d'euros ont été levés sans qu'un seul mur du projet de résidences de luxe éco-responsables ne soit érigé. Le liquidateur judiciaire a donné sa réponse : la somme est partie dans les poches du promoteur.

Le tribunal de commerce de Nevers a prononcé, le 30 mai, la faillite personnelle de Franck Ladrière. Une faillite abyssale. Et une faillite assortie de la reconnaissance de fautes graves commises dans sa gestion des sociétés Grand Bois Resort SA et Axone Immobilier qui portaient son ambitieux projet de transformation du domaine touristique de Gimouille.

Franck Ladrière a décliné la convocation à l’audience, arguant avoir « démissionné » (tous les citations de cet article proviennent des minutes des jugements du tribunal de commerce) des sociétés susmentionnées, comme si cela le lavait de toutes ses responsabilités précédentes. En l’absence de défense, la juridiction n’a eu d’autre choix que de suivre le raisonnement et les préconisations du liquidateur judiciaire.

« Monsieur Ladrière a mis en place un système frauduleux connu sous le nom de “chaîne de Ponzi” […] un mécanisme de collecte et de gestion fautive des fonds collectés dans un intérêt strictement personnel, aucun des projets prétendument financés n’ayant in fine vu le jour »

MAÎTRE AURÉLIE LECAUDEY

Maître Aurélie Lecaudey a relevé des « manquements graves ». Selon elle, Franck Ladrière aurait « mis en place un système frauduleux connu sous le nom de “chaîne de Ponzi” […] un mécanisme de collecte et de gestion fautive des fonds collectés dans un intérêt strictement personnel, aucun des projets prétendument financés n’ayant in fine vu le jour ».

Le nom de Charles Ponzi est passé à la postérité à la suite du vaste montage financier frauduleux que cet Italo-Américain a mis en place à Boston en 1919. Il proposait des investissements à 50 % d’intérêt versés au bout de quatre-vingt-dix jours. Des placements totalement fictifs, les premiers créanciers étant remboursés avec l’argent de ceux qui venaient ensuite. Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus assez de candidats et que la pyramide s’effondre.

À ce moment-là, Charles Ponzi avait filé avec le pactole des derniers arrivants. Parmi les cas les plus célèbres d’escroquerie pyramidale, figurent l’affaire Stavisky, en France, et le cas plus récent du banquier new-yorkais Bernard Madoff.

La valse des SEP

Maître Aurélie Lecaudey explique que Franck Ladrière a créé des sociétés en participation pour financer le Grand Bois Resort. Des particuliers ont été démarchés, souvent à leur domicile, pour acquérir des parts de ces SEP. Avec la promesse d’un remboursement avec 9,6 % d’intérêt au bout d’un an, grâce à la vente sur plan des villas du complexe touristique.

Très vite, le promoteur a fait état de contretemps et a cessé de rembourser. « Face aux difficultés, [il] a maintenu son mécanisme de gestion en continuant à créer des SEP en vue de lever des fonds », souligne Maître Aurélie Lecaudey . Elle en déduit des « détournements frauduleux des actifs ». La stratégie du promoteur « ne pouvait conduire qu’à la faillite » du Grand Bois Resort, car « les fonds collectés n’ont pas été utilisés pour la réalisation du projet, [ils] ont financé Monsieur Ladrière ».

Le liquidateur judiciaire a repéré des flux anormaux de trésorerie en direction d’une autre société de Franck Ladrière, Axone Invest. Celle-ci a fini créditrice, quand les autres structures étaient largement déficitaires.

Condamné à rembourser 14.172.409,26 €

Au vu de ces éléments, le tribunal de commerce a condamné Franck Ladrière à combler l’insuffisance d’actifs de Grand Bois Resort SA et d’Axone Immobilier. La somme qu’il doit rembourser s’élève à 14.172.409,26 €, soit le cumul des passifs des 202 créanciers qui se sont manifestés. 

La police judiciaire de Versailles semble partager les suspicions de Maître Aurélie Lecaudey. Sa brigade financière enquête, depuis 2016, sur Franck Ladrière. Ce dernier a été entendu, en octobre 2017, mis en examen pour escroquerie et placé, durant quelques jours, en détentions préventive. Une information judiciaire a été ouverte. Elle porte sur le Grand Bois Resort, mais aussi sur des programmes d'investissement dans les éoliennes et les panneaux photovoltaïques.

Il a fait appel et sera rejugé à Bourges

Franck Ladrière (nous ne l’avons pas sollicité pour la préparation de cet article, car il refuse de nous répondre et exige le retrait d’un article d’août 2015 dans lequel une créancière du Grand Bois Resort déclarait : « La première fois, nous avions touché quelques intérêts. Ça nous a incités à donner une deuxième fois. C’était à l’époque de Madoff. J’ai senti que ça pouvait être ce genre de chose ») a fait appel, le 8 juin, des décisions du tribunal de commerce de Nevers.

Comme pour l'enquête menée depuis Versailles, il bénéficie de la présomption d’innocence. Il n’est donc pas à considérer comme l’auteur de fautes graves dans la gestion des sociétés du Grand Bois Resort. La cour d’appel de Bourges se penchera sur son cas dans le courant de l’année prochaine.

Bertrand Yvernault

L'autre Grand Bois, le vrai