La banque condamnée pour son manque de vérification avant la libération des fonds !

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DAKOURY- TRIBUNAL JUDICIAIRE D’ORLEANS- JUGEMENT DU 30 JUIN 2020

Le prêteur qui n’exécute pas son devoir de vérification avant de délivrer les fonds est privé de son droit à restitution des sommes prêtées. C’est ce qu’a jugé le Tribunal judiciaire d’Orléans dans un jugement récent en date du 30 juin 2020.

Dans cette espèce, un client souscrit un prêt d’un montant de 22 000 € auprès de l’établissement financier la SA DOMOFINANCE pour financer la vente et l’installation des panneaux proposés par la société GROUPE S2C.

Insatisfaits de l’opération, l’acquéreur des panneaux assigne les deux sociétés afin que soit prononcé la nullité des contrats de vente et de crédit.

La décision est motivée en ces termes :

  1. Sur la résolution du contrat principal de vente et du contrat de crédit affecté

Au visa de l’article L121-23 du Code de la consommation, le Tribunal rappelle que les conclusion d’un contrat issu d’un démarchage à domicile doit comporter, à peine de nullité diverses mentions obligatoires.

Il constate alors que « en l’espèce, les mentions du bon de commande sont particulièrement lacunaires et incomplètes concernant la désignation des biens concernés et les conditions d’exécution du contrat alors que l’article précité impose une désignation précise. Aucune indication relative aux modalités de pose et au délai de livraison et de mise en service ne figure sur ce bon de commande, le lieu de livraison n’étant pas davantage renseigné. Ce bon de commande ne comporte pas non plus la marque des panneaux, de l’onduleur et du ballon thermodynamique».

Il est donc rappelé par le Tribunal que ces manquements sont susceptibles d’entrainer la nullité du contrat de vente.

Le tribunal se fonde sur la règle de l’interdépendance des contrats pour ensuite annuler le contrat de crédit affecté. En effet, du fait de la nullité du contrat souscrit, le contrat de crédit affecté en date du même jour, qui a pour objet de financer le premier contrat, sera annulé.

  1. Sur les conséquences de l’annulation des contrats

En principe l’annulation d’un contrat impose aux parties d’être remis en l’état antérieur à leur conclusion, ce qui signifie concrètement dans le cadre d’un contentieux de panneaux photovoltaïques que l’emprunteur doit rembourser à la banque le capital prêté, sous déduction le cas échéant des mensualités déjà payées.

Toutefois, le prêteur peut être privé de la restitution du capital versé lorsqu’il a commis une faute lors de la délivrance des fonds au vendeur.

C’est ce que retient en l’espèce le tribunal à l’encontre de la banque :

« Force est de constater que la SA DOMOFINANCE n’a procédé à aucune vérification de la régularité formelle du contrat principal, affecté de plusieurs causes de nullité en l’espèce en raison du non-respect des dispositions de l’article L121-23 du code de la consommation».

La faute du prêteur est également établie en ce qu’il a débloqué les fonds à la seule vu du document attestant la fin des travaux, sans s’en assurer effectivement.

Ainsi, le Tribunal pointe clairement la particulière légèreté de la banque qui a pour conséquence de la priver de son droit au remboursement du capital emprunté.

EXTRAIT DECISION

dispositions de l'article L 121-23 du Code de la consommation, de nombreuses mentions et précisions obligatoires dont l'absence était aisément décelable pour un professionnel du crédit faisant défaut sur le bon 'de commande du 21 septembre 2013. En effet, le bon de commande ne comportait aucun élement quant au délai de livraison, aux modalités de pose ni aucune ihdiCation de la marque et des caractéristiques techniques précises et détaillées des éléments commandes ni d'indication du prix individualisé de ces éléments, De plus. et ce alors que l'article L311-31 du même code dispose que les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien de sorte qu'il ne peut délivrer les fonds au vendeur qu'au vu d'un document attestant de l'exécution du contrat principal, avec un devoir de vigilance à l'égard de l'emprunteur, il sera constaté que la fiche de réception des travaux du 7 octobre 2013 certes signée par Madame Dakoury seule, a été établie sur un document préimprimé et manifestement de pure forme, antérieurement à l'acceptation du contrat de crédit et sans vérification démontrée de la part du prêteur de l'exécution de la totalité des prestations à effectuer par le vendeur incluant les démarches admnistratives et le raccordement de l'installation au réseau électrique pour une complète conformité à la finalité de la prestation commandée. L'opération financée avait pourtant trait à un dispositif complexe. impliquant plusieurs partenaires et acteurs, et engageant les époux Dakoury sur une particulière longue durée. Les fonds ayant néanmoins été versés au vu de ce document et sans s'assurer de l'exécution par le vendeur des démarches notamment administratives lui incombant, la faute du prêteur est établie. Cette faute ne lui permet pas de solliciter la restitution du capital prêté. La demande de dommages et intérêts formée à ce titre par la SA Domofinance sera également rejetée. Dans ces conditions, la. SA Domofinance sera condamnée à verser à Monsieur et Madame Dakoury l'ensemble des mensualités versées par ces derniers au titre du prêt du 21 septembre 2013. depuis l'origine et antérieurement ou postérieurement à la présente Instance, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement. L'annulation du contrat de crédit affecté entraîne par ailleurs déchéance du prêteur à restitution des intérêts prêtés. S'agissant des demandes de dommages et intérêts formées par les époux Dakoury, elles seront rejetées faute de démonstration des préjudices allégués dont certains sont éventuels, à savoir les préjudices financiers. Les demandes en paiement et de dommages et intérêts formées par la SA Domofinance seront rejetées, puisque la condamnation la concerne personnellement et que sa faute directe a été établie. Ses demandes de condamnation du vendeur et de son liquidateur seront rejetées pour le même motif. La demande de dépose des panneaux solaires et de remise en état de la toiture de leur habitation formée par les époux Dakoury sera rejetée compte tenu de l'existence d'une procédure de liquidation mais il convient de préciser que, compte tenu de la teneur du présent jugement, ils seront libres de disposer des panneaux précités objet de leur demande de dépose. Sur l'exécution provisoire
Aux termes de l'article 515 du Code de procédure civile, s'agissant d'une instance introduite le 21 septembre 2018, le juge peut ordonner l'exécution provisoire lorsqu'elle est nécessaire et compatible avec ta nature de l'affaire. En l'espèce. l'exécution provisoire est compatible avec la nature de J'affaire et son absence de nécessité n'est pas avérée. Il y a lieu de l'ordonner, Sur les dépens et l'article 700 du gode de procédure civile Aux termes de l'article 696 du Code de Procédure Civile, ta partie qui succombe supporte les dépens à moins que le juge n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. De plus, au terme de l'article 700 du même code, dans toutes les instances, te juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. il tient compte de l'équité et peut, même d'office. dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. En l'espèce. il n'apparaît pas inéquitable de ne pas laisser à la charge des demandeurs des frais de procédure de cette nature, La somme de 2000 euros leur sera allouée au titre des dispositions de l'article 700 de ce code. PAR CES MOTIFS Le Tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, Rejette les demandes avant dire-droit formées par Monsieur Kouessy DAKOURY et Madame Jeannette DAKOURY née GNESSO de suspension du contrat de crédit affecté et de communication de pièces Rejette les fins denon-recevoir formées par la SA DOMOFINANCE Prononce la résolution le contrat de vente principal du 21 septembre 2013 signé avec la SARL S2C, représentée par la Selarlu BALLY en sa qualité de mandataire liquidateur de cette société, selon bon de commande du 21 septembre 2013 Prononce et au besoin constate la nullité du contrat de crédit souscrit le 21 septembre 2013 par Monsieur Kouessy DAKOURY et Madame Jeannette DAKOURY née GNESSO auprès de la SA Domofinance et affecté au contrat principal Condamne la SA Domofinance à verser â Monsieur Kouessy DAKOURY et Madame Jeannette DAKOURY née GNESSO l'ensemble des mensualités versées par ces derniers au titre du prêt du 21 septembre 2013, depuis l'origine et antérieurement ou postérieurement à la présente instance, avec Intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement Déboute Monsieur Kouessy DAKOURY et Madame Jeannette DAKOURY née GNESSO de leurs demandes de dommages et intérêts Déboute Monsieur Kouessy DAKOURY et Madame Jeannette DAKOURY née GNESSO de leur demande de dépose des panneaux solaires et de remise en état de la toiture de leur habitation Rappelle qu'ils seront libres de disposer des panneaux précités objet de leur demande de dépose Déboute la SA Domofinance de l'ensemble de ses prétentions Déboute les parties du surplus de leurs prétentions Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision Condamne la SA Domofinance à verser à Monsieur Kouessy DAKOURY et Madame Jeannette DAKOURY née GNESSO la somme de 2000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile Rejette toute demande plus ample ou contraire Laisse les dépens à la charge de la SA Domofinance et de la SARL S2C, représentée par la Selarlu BALLY en sa qualité de mandataire liquidateur de cette société Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an susdits par le président et le greffier LE GREFFIER